Pierrick Starsky est le rédacteur en chef et l'un des fondateurs, avec Kax Macmachin et Léa Guidi-Guidi, de la revue Aaarg !. Alors que le troisième numéro sort le 20 mars, il nous raconte l'aventure de ce projet qui détone dans l'univers des revues BD.
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Le choix de l’indépendance
Comment est né le projet ?

On voulait une revue qui concilie à la fois une ligne éditoriale inspirée par celles qu'on trouvait vers la fin des années 70 avec Métal hurlant, Pilote deuxième génération, A suivre ou Hara-Kiri et des choses plus récentes comme Jade, Ferraille, des magazines de la fin des années 90. Inspirés mais innovants, on voulait créer notre ton, notre identité propre.
On voulait casser les clivages, en mettant tout ce qu'on aime dedans : du cinéma, de la littérature et surtout de la culture populaire. On avait envie que dans la BD, l'humour côtoie la science-fiction, le polar, l'intimiste... On a fait la revue qu'on avait envie de lire, comme elle ne venait pas... On n'est jamais mieux servis que par soi-même.
Pourquoi être passé par la plate-forme de financement participatif Ulule ?
On a commencé à travailler sur ce projet deux ans en amont. La Revue dessinée, qui a été lancée à peu près en même temps que nous par des copains, est passée par Ulule avec une offre de pré-abonnements. On a été sidéré par leur succès.
On s'est lancé, trois cinglés sans-emploi, sur un projet qui demande 150 000 € de trésorerie pour son fonctionnement et dont chaque numéro coûte 40 000 €. Recevoir 15 000 € de souscriptions et d’abonnements, au démarrage, ça a été un gros plus. Ça nous a aussi permis de jauger l'accueil qu'on pouvait recevoir, de commencer à faire parler de nous. Ça a été positif à plusieurs niveaux.
On n'a pas encore notre sécurité financière, mais j'espère qu'on l'aura bientôt acquise au vu du départ positif que l'on a eu. On était un peu les outsiders des nouvelles revues, on nous regardait de loin en disant « c'est quoi ce machin punkoïde ? ». Aujourd'hui on est l'une des revues dont on parle le plus. C'est un bon retour en investissement d'énergie, on est content.
Comment vous positionnez-vous sur le versant numérique ?

Petit aperçu du site Aaarg !
Le site Internet est un complément de la revue. Il nous permet d'envoyer des vidéos, des archives... Il y a d'ailleurs pas mal de rubriques du site qui donneront naissance à des livres. On compte proposer une version numérisée de la revue, mais quasiment telle quelle. On doit vivre avec son temps et c'est un format intéressant, mais on est trois à faire le boulot de huit, ça nous prend un temps dingue.
Et puis on n'a pas du tout la même démarche que Professeur Cyclope par exemple. On est complémentaires et c'est important aussi qu'on ne se tire pas dans les pattes. Donc on proposera sûrement une sorte de version PDF. En dématérialisant, on pourra faire tomber le prix de façon assez radicale.
Vous avez fait le choix économique de ne pas utiliser la publicité, pourquoi ?
On ne veut pas de publicité, on fait des réclames. C'est un peu de la mauvaise foi sémantique mais la publicité, c'est faire payer des espaces publicitaires en contrepartie desquels, en général, on est plutôt conciliant dans les articles. La réclame, c'est proposer des espaces à des éditeurs qu'on a envie de soutenir. Ils ne nous payent pas, mais nous donnent des livres que l'on peut vendre sur notre librairie en ligne, donner à nos abonnés...
On fonctionne avec une logique de troc tant qu'on peut le faire. On essaie de se départir de l'imagerie punk qu'il y a autour de nous mais je crois que ça va être dur ! On est au moins deux sur trois à être plutôt anarchistes, du moins libertaires, avec beaucoup de pragmatisme. Ça se ressent dans notre façon de travailler. On est prêt à faire des compromis, pas des compromissions.
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